L’actualité qui touche Alain Duhamel, suspendu par France Télévision, ainsi que son interview dans Libération, m’inspirent quelques commentaires.
Il y a quelques mois, Alain Duhamel s’est exprimé « off », dans un cadre privé, venu débattre avec Marielle de Sarnez (vice-présidente de l’UDF), devant 60 étudiants UDF de Sciences-Po Paris. Lors de ce débat, répondant à une question sur l’Europe, et après avoir critiqué un peu vivement le début de campagne de François Bayrou, il exprima qu’il voterait pour ce dernier, omettant de préciser sa pensée.
Très claire, précise, honnête, sincère, sage, professionnelle, je vous invite à lire son interview dans Libération : «Je me suis laissé aller»
Je trouve déplorable cette suspension d’Alain Duhamel. Il s’est exprimé dans un cadre privé. C’est l’homme qui s’exprimait, pas le journaliste sur un plateau de télévision ou dans une tribune. Il y a dérive. Tout comme il y a dérive quand on écarte Marie Drucker parce qu’elle partage sa vie avec François Baroin, ou Béatrice Schönberg parce qu’elle est mariée à Jean-Louis Borloo.
Aujourd’hui chaque téléphone mobile est potentiellement un appareil photo, un Dictaphone et une caméra vidéo. Quiconque est présent dans la salle peut enregistrer, filmer à tout moment. Avec internet et l’évolution vers ce qu’on appelle le « web 2.0 », quiconque possède une photo, un enregistrement audio, une vidéo, peut diffuser ces contenus librement, massivement. Là où les professionnels de l’audiovisuel doivent respecter le « droit à l’image », les amateurs photographient, filment, et diffusent ces images d’autrui sans qu’aucun accord soit demandé.
Hier soir, au restaurant, à la table en face de moi, un type filmait avec son téléphone. Aujourd’hui, sans mon avis, une vidéo dans laquelle j’apparais, potentiellement datée, filmée dans un lieu facilement reconnaissable, est peut-être diffusée sur un site ou sur un blog, lequel site ou blog peut, de plus, traiter de sujets auxquels je peux me trouver associé par la seule présence de mon image. Le sujet n’est pas simple à traiter, mais il est important.
Dernier commentaire, lisant ceci dans l’interview :
« Je n’en reviens toujours pas. On en serait à 74 000 consultations… C’est incroyable. On m’a dit que c’est sur un gros système. J’ai oublié le nom. Vous savez, pour moi, Internet, les blogs, c’est la génération de mes arrière-petits-enfants. J’ai 66 ans et jamais je n’ai allumé un ordinateur. Depuis quarante-six ans, j’écris mes papiers à la main. »
Alain Duhamel – Libération, 17 février 2007
Je suis stupéfait. 66 ans c’est encore jeune. Quand les premiers ordinateurs ont envahi la presse papier, il n’avait que 46 ans. Ma mère, à 77 ans, a un iMac et relève ses mails tous les jours. Bien évidemment, ceci ne change rien à l’affaire de sa déplorable suspension, ne remet pas en cause les compétences de ce brillant journaliste, mais hélas témoigne du décalage profond qui frappe le monde de la politique face à l’évolution de notre société.
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